Infinito Gold contre Costa Rica : la société minière canadienne semble abandonner

Infinito Gold contre Costa Rica : la société minière canadienne semble abandonner
Infinito Gold contre Costa Rica : la société minière canadienne semble abandonner
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Selon les informations fournies par le site spécialisé de CIARGlobal sur l’arbitrage d’investissement (voir note), la société minière canadienne Infinito Gold semble se retirer du dossier dans la procédure pendante devant le Centre international pour le règlement des différends entre investisseurs étrangers et État (CIRDI) contre le Costa Rica.

L’utilisation du conditionnel est due au fait que, du moins officiellement, rien n’a émergé de la part du CIRDI, ni des autorités costariciennes du commerce extérieur, chargées de la défense du Costa Rica devant le CIRDI.

Bref contexte

On s’en souvient, le 4 juin 2021, le CIRDI a rendu une sentence arbitrale partiellement favorable au Costa Rica (voir texte) en réponse à la poursuite intentée par la société minière canadienne Infinito Gold en février 2014.

Cette sentence a fait l’objet d’une demande d’annulation partielle de la part de la société minière canadienne en octobre 2021, que nous avons eu l’occasion d’analyser dans une note précédente lors de la constitution du panel arbitral dans les premiers jours de 2022 : voir notre note intitulé «Infinito Gold contre Costa Rica : formation d’un comité CIRDI pour examiner la demande d’annulation de la sentence arbitrale présentée par la société minière» du 18 janvier 2022.

Manifestations contre le projet minier Crucitas au Costa Rica. Image tirée de l’article intitulé « Des groupes canadiens disent aux sociétés aurifères de « cesser de harceler » les Costaricains » (Bilatérals.org., édition du 17 avril 2013).

De quelques détails

Il n’y a toujours pas de confirmation officielle du CIRDI puisqu’elle est seulement précisée dans les détails procéduraux de l’affaire disponibles sur son site officiel (voir lien) Quoi:

14 juin 2024 Les parties déposent une demande de désistement de la procédure conformément aux règles d’arbitrage CIRDI 53 et 43(1).

Si, tal como se indica, ambas partes (Infinito Gold y Costa Rica) han solicitado que el caso sea objeto de algún tipo de suspensión o si la empresa ha decidido definitivamente desistir, ello debería ser confirmado en algún decisión oficial, que por el momento il es inconnu. Étant donné que la société Infinito Gold n’a pas de bureaux au Costa Rica depuis de nombreuses années, il n’y a aucun moyen de demander une confirmation à cet égard.

Au Costa Rica, les autorités n’ont rendu publique aucune annonce à ce sujet.

A noter que les articles 53 et 43(1) cités sur le site officiel du CIRDI… ne sont pas des dispositions applicables à la situation indiquée, ce qui soulève des questions très valables (voir texte).

Si les deux parties ont demandé le classement, c’est l’article 55 qui trouve application et non les dispositions 53 et 43(1) précitées :

«Règle 55 Compromis et cessation par accord des parties :

(1) Si les parties notifient au tribunal qu’elles ont convenu de mettre fin à la procédure, le tribunal publiera une résolution constatant l’abandon.

(2) Si les parties conviennent de régler le différend avant que la sentence ne soit rendue, le Tribunal : (a) doit émettre une résolution constatant l’abandon de la procédure, si les parties le demandent ; ou (b) peut incorporer l’accord sous la forme d’une sentence, si les parties présentent le texte complet et signé de leur accord et demandent au tribunal d’incorporer ledit accord dans une sentence.

(3) Le Secrétaire général émet la résolution visée aux paragraphes (1) et (2)(a) si le Tribunal n’a pas encore été constitué ou s’il y a une vacance au sein du Tribunal.

Pour une raison quelconque (qu’il serait très intéressant de connaître), le CIRDI fait référence sur son site officiel à des dispositions qui ne sont pas applicables à la présente affaire.

Quelques brèves réflexions

Le manque de transparence du CIRDI constitue l’une des principales raisons pour lesquelles de nombreux États maintiennent leur distance par rapport au système d’arbitrage en matière d’investissement qu’il propose, et cela se confirme encore dans ce cas précis : à ce jour, les termes de l’accord sont inconnus. annulation partielle de la sentence du 4 juin 2021 présentée par la société minière canadienne en octobre 2021, ainsi que des pièces écrites contenant les allégations de la société minière canadienne et du Costa Rica.

Au cours des dernières décennies, le CIRDI a suscité de nombreuses réserves dans divers milieux en Amérique latine mais aussi sous d’autres latitudes, en raison du manque de transparence de ses procédures, du profil de ses arbitres (souvent peu familiers avec des questions juridiques cruciales comme la protection des environnement, droit à l’eau et droits des populations indigènes, droit administratif et constitutionnel), ainsi que les sommes millions de dollars, parfois disproportionnées, auxquelles des États ont été condamnés dans certains cas, pour des exigences manifestement abusives d’un investisseur étranger (Note 1). Il est à noter que lors de la création du CIRDI en 1965, l’idée était de permettre à un investisseur de récupérer le montant de son investissement initial soumis, par exemple, à un décret de nationalisation, et non d’ajouter à ce montant d’autres sommes complémentaires correspondant au les bénéfices futurs projetés par l’investisseur étranger non perçus (Note 2).

Nous avons eu l’occasion d’analyser la dénonciation par le Honduras de la Convention de Washington qui a créé le CIRDI en mars 2022, qui s’ajoute aux dénonciations précédentes de la Bolivie, de l’Équateur et du Venezuela : voir notre brève note intitulé «CIRDI : concernant la récente dénonciation par le Honduras de la Convention de Washington de 1965«.

En conclusion

Sans la note susmentionnée du CIARGlobal, aucune nouvelle information sur le développement de cette longue controverse devant le CIRDI du Costa Rica liée au projet minier situé à «Les Crucitas», pourrait-on faire savoir.

Rappelons qu’il s’agissait d’un projet minier situé dans la zone nord du Costa Rica, et qu’il se voulait le plus grand d’Amérique centrale. Ce projet, porté par la société minière canadienne Infinito Gold, a été déclaré sans concertation par décret «de commodité nationale» en octobre 2008, et sa totale illégalité a été jugée en novembre 2010 par trois vaillants juges du Tribunal Contentieux Administratif (TCA) : la lecture de leur sentence (voir texte complet) mérite une relecture étant donné les tentatives de déréglementation en matière environnementale qui ont été discutées ces derniers mois au Costa Rica.

En novembre 2011, cette décision a été confirmée par la première chambre de la Cour suprême de justice (voir texte). En février 2014, quelques jours après la publication des résultats des élections au Costa Rica, la société minière canadienne n’a rien trouvé de mieux que de poursuivre le Costa Rica devant le CIRDI.

En novembre 2023, nous avons eu l’occasion d’analyser la déclaration d’inconstitutionnalité d’un contrat minier au Panama avec une société minière canadienne, qui a envoyé les Panaméens, comme cela se fait rarement, se mobiliser dans les rues pendant plusieurs mois : voir notre note intitulé «Concernant la déclaration d’inconstitutionnalité par la Cour suprême de justice du Panama d’une loi sur les contrats miniers«.

Concernant les sociétés minières canadiennes et le Canada en tant que tel, depuis 2014, un rapport sur l’impact négatif des sociétés minières canadiennes en Amérique latine attend des autorités canadiennes qu’elles prennent des mesures pour réglementer leurs activités depuis le Canada, notamment dans une perspective de droits de l’homme et de protection de l’environnement (Note 3).

– – Notes – –

Note 1: Sur les différentes stratégies des États de la région latino-américaine pour limiter la portée de certains traités comportant des clauses extrêmement favorables aux investisseurs étrangers, voir l’analyse détaillée du professeur Katia Fach Gomez : FACH gomez., “Proposer un décalogue conciliant pour l’Amérique latine et le CIRDI», Revue de la Faculté de droit et de sciences politiques (Medellín, Colombie), vol. 40 (déc. 2010), n° 113, p. 439-454, article disponible ici. Voir aussi la publication FACH K & TITI C. «Le défi latino-américain du système actuel de règlement des différends entre investisseurs et États», Journal of World Investment & Trade 17, 2016, pages 511-699. Ainsi que FACH GOMEZ K. & TITI C., Mécanismes alternatifs de résolution des litiges, Oxford University Press, Oxford, 2018, 800 pages. Sur l’examen réalisé par l’Indonésie de plus de 50 TBI signés, voir notamment cette étude très détaillée de HAMZAH, Université LAMPUNG, «Traités bilatéraux d’investissement (BITS) en Indonésie : paradigme, changement, enjeux et défis«, Journal des questions juridiques, éthiques et réglementairesVolume 21, Numéro 1, 2018. Texte intégral disponible ici.

Note 2: Concernant les effets négatifs sur les économies des États latino-américains de ces sommes millionnaires réglées par les arbitres du CIRDI et qui ont été consolidées avec le réseau de TBI adoptés avec enthousiasme – et à notre modeste avis quelque peu naïf – dans les années 90-2000, nous se référer à l’article très complet de ZABALO P.L’Amérique latine face aux exigences des investisseurs et des États“, World Economy Magazine, n° 31 (mai-août 2012), pp. 261-296. Texte disponible ici.

Note 3: Voir à ce sujet le rapport intitulé » L’impact de l’exploitation minière canadienne en Amérique latine et la responsabilité du Canada – Rapport présenté à la Commission interaméricaine des droits de l’homme«, Groupe de travail sur les mines et les droits de l’homme en Amérique latine, 2014. Texte intégral disponible ici.

Nicolas Boeglin, professeur de droit international public, Faculté de droit, Université du Costa Rica (UCR)

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