Les États-Unis ignorent la peur des migrants à la frontière

Les États-Unis ignorent la peur des migrants à la frontière
Les États-Unis ignorent la peur des migrants à la frontière
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Laura a attendu des heures dans le désert de l’Arizona l’arrivée des agents d’immigration. Il voulait leur raconter comment il avait dû quitter la ville où il a vécu pendant 31 ans, comment sont arrivés d’abord les extorsions, puis les menaces de mort et comment, s’il revenait, sa vie et celle de sa famille seraient en danger.

Mais lorsqu’ils l’ont finalement arrêtée et emmenée dans un centre, elle s’est heurtée à un autre mur : “Tout le monde dit qu’il ne parle pas espagnol, qu’il ne peut pas aider”La femme, originaire de Mexico, raconte à EFE depuis un refuge à Nogales (Sonora) huit jours après avoir été renvoyée par les autorités américaines de l’autre côté de la frontière.

Alors que le gouvernement de Joe Biden célèbre le “succès” Suite aux nouvelles restrictions en matière d’asile à la frontière sud, les migrants expulsés rapportent que leurs craintes ont été ignorées par les autorités.

Les règles, entrées en vigueur le 5 juin, restreignent l’accès à l’asile, à quelques exceptions près. Elles sont conçues pour être levées lorsque les arrestations aux frontières chuteront à 1 500 par jour, ce qui ne s’est pas produit depuis 2020.

Plus d’une demi-douzaine de Mexicains renvoyés dans leur pays après avoir traversé la frontière de l’Arizona ont déclaré à EFE que, bien qu’ils aient exprimé leur crainte d’être expulsés vers la patrouille frontalière ou qu’on leur demande l’asile, ils n’ont pas été autorisés à présenter leur dossier.

Des militants aux États-Unis et au Mexique confirment qu’il s’agit là de la nouvelle réalité après l’entrée en vigueur des restrictions : des centaines de Mexicains sont expulsés quotidiennement sans passer par aucun filtre pour garantir qu’ils ne seront pas renvoyés dans des situations dangereuses.

Les restrictions d’asile sur papier exemptent les victimes de la traite des êtres humains et celles qui font face à une menace imminente pour leur vie ou leur sécurité. Ils envisagent également un filtre plus strict pour demander des protections autres que l’asile.

Cependant, les autorités ne sont plus obligées de demander aux migrants s’ils ont peur d’être renvoyés ou s’ils souhaitent demander l’asile et la charge incombe à eux, qui doivent demander à être entendus.

Dans le secteur de Tucson, qui comprend 421 kilomètres de frontière et couvre la quasi-totalité de l’État de l’Arizona, la majorité des passages irréguliers sont effectués par des Mexicains. En raison de la proximité territoriale, il est plus facile pour les autorités de l’immigration d’expulser des personnes de ce pays que d’autres nationalités pour lesquelles un vol d’expulsion est nécessaire.

Dans le cadre des nouvelles restrictions, les Mexicains sont désormais expulsés avec une expulsion express, qui entraîne une interdiction d’entrée aux États-Unis pendant cinq ans.

Mais les autorités ne leur remettent pas les documents certifiant qu’ils ont été expulsés, de sorte que beaucoup ne sont pas au courant de cette sanction. Le ministère de la Sécurité intérieure n’a pas répondu aux questions d’EFE à cet égard.

“Ils n’ont nulle part où aller”

Au refuge San Juan Bosco, du côté mexicain, l’impact des changements de politique d’immigration est déjà évident. “Avant le 5 juin, nous soignions entre 30 et 50 déportés par jour. Aujourd’hui, ils sont entre 120 et 180”tous mexicains, raconte à EFE Francisco Lourerio, le directeur du refuge.

La majorité, 95%, “Ils ont exprimé qu’ils avaient été déplacés à cause de la violence, qu’ils avaient peur”calcule le militant.

Pedro de Velasco, directeur de l’éducation et du plaidoyer de Kino Initiative, une ONG qui travaille avec les migrants des deux côtés de la frontière, a constaté la même chose.

Depuis que les changements ont été imposés, près de 80 % des personnes qu’ils servent ont été expulsées. Fin 2023, ce chiffre n’était que de 16 %.

Les restrictions, annoncées en pleine année électorale où la gestion des migrations est devenue une question centrale, sont pour l’expert une décision “politique”.

“La plus grande préoccupation désormais, ce sont les Mexicains, qui n’ont nulle part où aller”a-t-il raconté. “Ils devraient pouvoir s’adresser aux États-Unis et demander l’asile”.

Laura, mère de trois filles, connaît cette réalité car elle l’a vécue : “Seuls les Mexicains sont expulsés et je veux savoir pourquoi on ne nous en donne pas l’opportunité”.

EFE

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