Les fantômes du risque politique reviennent en Europe | Marchés financiers

Les fantômes du risque politique reviennent en Europe | Marchés financiers
Les fantômes du risque politique reviennent en Europe | Marchés financiers
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Cela fait longtemps que le risque politique n’a pas fait son apparition sur les marchés financiers européens. L’époque où les investisseurs punissaient la zone euro pour ses doutes sur la soutenabilité de la dette souveraine – en particulier celle des pays périphériques – ou directement sur la viabilité du projet européen est révolue depuis longtemps. Cette semaine, cependant, la pression vendeuse est revenue sur la scène et cette fois son épicentre n’est pas dans un pays périphérique mais dans l’un des partenaires fondateurs de l’UE et promoteur historique de l’intégration européenne : la France. Le CAC français a subi sa plus forte baisse hebdomadaire depuis deux ans et la prime de risque française a grimpé jusqu’à ses plus hauts de 2017, infectant l’ensemble de la zone euro avec la vague de ventes sur son marché financier.

Le résultat des élections européennes de dimanche dernier a confirmé une avancée généralisée de l’extrême droite en Europe qui n’a pas réussi à briser l’actuelle majorité conservatrice, sociale-démocrate et libérale mais a provoqué un séisme politique en France. Le Rassemblement national de Marine Le Pen a balayé le pays et précipité la convocation d’élections législatives par Emmanuel Macron au 30 juin prochain au premier tour et au 6 juillet au second. Une démarche risquée du président de la République pour tester la véritable force de Le Pen au niveau national et qui a mis les investisseurs en alerte.

La dégradation de la note souveraine de la France décidée par Standard & Poor’s le 31 mai s’est déroulée sans douleur ni gloire sur les marchés financiers. Ce n’est que cette semaine, en pleine gueule de bois des élections européennes et de la convocation d’élections législatives dans le pays, que les investisseurs se sont concentrés sur la situation des comptes publics français et la possibilité d’un changement de gouvernement en France. représente une paralysie, voire un revers, du projet européen.

En quelques jours, la prime de risque française a grimpé au-dessus de 75 points de base, atteignant son plus haut niveau depuis 2017, année même où la France a organisé des élections qui ont failli donner la présidence à Marine Le Pen, finalement battue aux élections législatives. second tour par Macron. Le spread de l’obligation française à dix ans par rapport à l’obligation espagnole a été réduit au niveau le plus bas depuis 2009, à seulement 15 points de base, et est devenu quasiment inexistant par rapport à l’obligation portugaise, un fait inhabituel sur le marché financier qui reflète la méfiance et la nervosité des investisseurs face au nouveau scénario politique en France. La vague vendeuse a également atteint la Bourse et s’est propagée au-delà de la Bourse française, même si le Cac est le pire indice de la semaine, avec une baisse de plus de 6%. La sanction a été particulièrement sévère envers la banque. Comme lors d’autres épisodes d’un passé qui semblait très lointain, le risque souverain français a fini par infecter l’ensemble de la zone euro. Les banques espagnoles et italiennes ont fortement chuté en bourse, tandis que les primes de risque dans les deux pays ont augmenté de plus de 20 points de base la semaine dernière.

Mais pourquoi une éventuelle victoire de Marine Le Pen est-elle si inquiétante tant au niveau national qu’européen ? D’une part, les investisseurs envoient déjà un message clair sur ce qu’ils demandent au nouveau cabinet français : un engagement clair en faveur de la consolidation budgétaire pour un pays qui s’est éloigné des objectifs de Bruxelles en matière de déficit et de dette publique, tout comme le respect des objectifs budgétaires l’année prochaine. les règles reprendront. L’indiscipline fiscale est durement punie sur le marché, comme on l’a déjà vu lors du bref mandat de la Britannique Liz Truss en octobre 2022 avec sa proposition drastique de réductions d’impôts, et les investisseurs se méfient d’une formation politique qui propose des réductions d’impôts et qui ne le fait pas. avoir une expérience gouvernementale au niveau de l’État. L’actuel ministre français des Finances, Bruno le Maire, n’a pas hésité cette semaine à comparer l’impact sur les marchés d’une victoire de Le Pen avec ce qui s’est passé au Royaume-Uni. “Si le Groupe National met en œuvre son programme, une crise de la dette similaire à celle de Liz Truss est possible”, a-t-il déclaré mardi.

En revanche, le Rassemblement national est un parti eurosceptique. Il a renoncé au discours pionnier du passé dans lequel il proposait l’abandon de la monnaie unique – “l’euro est mort”, proclamait Marine Le Pen en 2017 – mais il ne va guère se faire le défenseur des défis en suspens pour la zone euro tels que le les énormes financements nécessaires pour améliorer la productivité ou le marché unique des capitaux.

«La zone euro est à la croisée des chemins, elle doit décider comment faire face à son déclin face aux Etats-Unis et à la Chine. L’Europe exporte actuellement son épargne vers des investissements aux États-Unis. Et Le Pen ne remettra pas en question l’euro, mais elle pourrait arrêter toute initiative stratégique qui nécessiterait plus d’intégration », explique Raymond Torres, directeur de la situation économique à Funcas. En outre, selon Torres, « la France est probablement le pays de la zone euro avec les pires perspectives budgétaires ». Un élément qui explique la nervosité de certains investisseurs face à un éventuel gouvernement proposant des baisses d’impôts.

L’économie française a clôturé l’année 2023 avec un déficit public de 5,5 % du PIB, supérieur aux 4,9 % attendus pour cette année-là, et un ratio dette/PIB de 110,6 %. Et en avril, le gouvernement a revu à la hausse ses prévisions de déséquilibre budgétaire pour cette année : il s’attend désormais à ce que le déficit atteigne 5,1% du PIB, au lieu des 4,4% de l’objectif initial, pour être ramené à 4,1% en 2025 et à 2,9% en 2027, dernière année du mandat de Macron. L’agence de notation Moody’s, qui maintient la note Aa2 de la France, prévient que « le fardeau de la dette du pays est le plus élevé parmi ses pairs notés de manière similaire, et que d’importants déficits budgétaires structurels ont conduit à un fardeau de la dette quasiment persistant depuis les années 1970. » Moody’s prévoit même une augmentation du ratio dette/PIB de 110,6 % en 2023 à 115 % en 2027.

L’impact sur le marché

Richard Brown, gestionnaire de portefeuille clients chez Janus Henderson, reconnaît que le résultat des élections européennes et ses effets sur la politique française ont rappelé aux investisseurs des risques politiques qui avaient été relégués au second plan dans le passé. Et du Crédit Agricole, ils reconnaissent que, même si la rhétorique de la sortie de l’euro n’est plus dans le discours de Le Pen, en cas de victoire électorale du Groupe National « la perception des investisseurs étrangers sera fortement affectée, vu un gouvernement qui manque expérience à la tête du pays. Surtout s’il obtient la majorité absolue.

La crainte la plus récente est qu’un second tour opposerait le parti de Le Pen non pas à celui de Macron mais à le regroupement des partis de gauche, dont la victoire éventuelle ne serait pas non plus le pari favori du marché. La coalition des partis de gauche, qui rassemble les sociaux-démocrates et le Les populistes eurosceptiques de Jean-Luc Mélenchon ont présenté vendredi son programme économique, qui comprend l’annulation de la réforme des retraites de Macron, le rétablissement de la possibilité de prendre sa retraite à 60 ans, une augmentation du salaire minimum et un impôt extraordinaire sur les bénéfices des entreprises. L’annonce de sa proposition a accéléré vendredi la chute des marchés boursiers et la hausse des primes de risque.

Goldman Sachs a calculé que la mise en œuvre complète du programme électoral du Rassemblement national signifierait une augmentation du rendement des obligations françaises jusqu’à une décennie de 50 points de base. Son avance la semaine dernière a atteint 13 points de base, malgré le fait que la prime de risque avec l’Allemagne a grimpé de près de 20 points de base, jusqu’à environ 75. La banque américaine ne prévoit en aucun cas que Le Pen développe son programme pour le plus plein. Cet éventuel nouveau gouvernement allait se heurter aux difficultés pratiques de l’exercice du pouvoir, avec la pression et la surveillance étroite du marché et avec d’éventuels calculs électoraux pour les élections présidentielles de 2027. Goldman Sachs estime en effet que le différentiel d’endettement français reste contenu après l’élection présidentielle de 2027. récente hausse, même si cela ne signifie pas que l’obligation française se trouve à un point d’entrée attractif. Surtout si on le compare à l’obligation espagnole, sans rapport avec les effets d’une politique intérieure également turbulente. Chez UBS, ils considèrent en revanche qu’une hausse de la prime de risque française au-dessus de 55 points de base est une opportunité d’acheter tactiquement l’obligation française à 10 ans. Quoi qu’il en soit, et une fois passé 70 ans passés, il souligne également qu’il est temps « d’attendre et de voir » quelles sont les alliances électorales et les éventuelles politiques fiscales.

Goldman Sachs souligne également que la dette souveraine française ne subira pas la tension de 2017, où la prime de risque française avait touché 80 points de base, alors qu’elle dépasse désormais 75. « La raison est que la présidence de la République n’est pas en jeu et que le Groupe National n’encourage pas explicitement la sortie de l’UE ou de l’euro », explique l’entité. La banque américaine assure même que la réponse politique apportée par la zone euro aux crises les plus récentes – le mécanisme anti-fragmentation TPI de la BCE dans la zone euro et le programme Next Generation – “a placé la barre de plus en plus haute pour les facteurs internes ou l’impact idiosyncratique”. sur les différentiels. Cela nous suggère que, dans l’ensemble, l’environnement de taux actuel constitue un point de départ plus favorable au crédit souverain que celui qui a prévalu dans les années qui ont suivi la Grande Crise financière, lorsque le risque dans la zone euro était plus présent.

Malgré les appels au calme et les différences avec les épisodes du passé, la réponse des investisseurs rappelle que les risques sont là. “Un gouvernement eurosceptique dans un pays aussi grand que la France augmente le risque de fragmentation de la zone euro”, estime José Manuel Amor, expert de l’AFI. Et dans les cas extrêmes, l’activation du programme de maîtrise des primes de risque (TPI) conçu par la BCE en juin 2022, à l’approche des hausses de taux d’intérêt, n’est pas étrangère au respect de la discipline budgétaire, un défi en suspens pour la France. Le soutien de la BCE ne serait pas gratuit et irait donc de pair avec l’adoption de mesures par le pays en difficulté pour réduire sa dette. “Le marché va rester nerveux jusqu’au second tour des élections en France”, ajoute Amor. L’humeur des investisseurs après le 6 juillet dépendra du résultat.

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