le livre qui anticipait sa plus grande œuvre et ses vues sur la Patagonie

le livre qui anticipait sa plus grande œuvre et ses vues sur la Patagonie
le livre qui anticipait sa plus grande œuvre et ses vues sur la Patagonie
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« Les collines sous l’avion creusaient déjà leur sillon d’ombre dans l’or du coucher de soleil. Les plaines devenaient lumineuses, mais d’une lumière inépuisable : dans ce pays on ne cessait d’exhaler leur or, tout comme, une fois l’hiver passé, on ne cessait de livrer sa neige. Ces mots ont été écrits par Antoine de Saint-Exupéry des années avant de créer Le petit Prince. donc ça commence Vol de nuitson deuxième roman, et ce « pays » n’est ni plus ni moins que l’Argentine.

Et l’écrivain et pilote français est arrivé à Buenos Aires il y a près de 95 ans, le 12 octobre 1929. Il avait déjà une expérience aérienne dans son pays et en Afrique, lorsqu’il a accepté le poste de directeur technique de la société Aeroposta Argentina pour réaliser un vol. nouvelle route qui relierait la capitale du pays à Comodoro Rivadavia, puis s’étendrait jusqu’à Río Gallegos et la Terre de Feu.

Entre les rues de Buenos Aires

Sur une plaque de la Galerie Güemes, au cœur du centre-ville de Buenos Aires, on peut lire : « Antoine de Saint-Exupéry a vécu dans cet immeuble entre 1929-1930 ». En fait, l’appartement 605 qu’il louait dans le cadre de la construction de dômes et de marbre en Floride au 165 était – outre l’hôtel Majestic – la maison de l’auteur pendant son séjour dans le pays.

Saint-Exupéry avec son collègue Henri Guillaumet et sa femme dans un parc d’attractions à Buenos Aires.

C’est à proximité qu’un jour, alors qu’il parcourait des livres dans une librairie, il rencontra Luis Saslavski, l’un des plus grands réalisateurs de l’âge d’or du cinéma argentin. L’amitié avec le réalisateur s’est poursuivie même au-delà de son séjour en Argentine. Il le propose comme conseiller pour l’adaptation hollywoodienne de Vol de nuit. Les échanges entre eux se poursuivirent jusqu’aux derniers jours de Saint-Exupéry.

Mais les librairies n’étaient pas la seule chose que fréquentait le pilote pendant son séjour dans le pays. Connu pour fréquenter des cabarets comme le Tabaris et l’Armenonville avec ses collègues Henri Guillaumet et Jean Mermoz, il devient rapidement un auditeur régulier de tango. « C’est vrai que j’aime le tango argentin. C’est une musique tellement triste… », a-t-il commenté dans une de ses lettres. Il ne serait pas étrange de penser que vous avez peut-être vu Carlos Gardel lors d’une de vos promenades.

Le cercle Saintex, comme on l’appelait, s’agrandit encore. Saslavsky lui a présenté María Rosa Oliver, une écrivaine, essayiste et militante argentine qui, curieusement, descendait elle-même de San Martín. Elle, appartenant à l’élite de Buenos Aires, la présente à son tour à son ami proche Victoria Ocampo. Il s’est rendu à la Villa Ocampo, toujours debout à Beccar. On dit cependant que leur rencontre n’était pas entièrement fortuite.

La relation avec l’écrivain et artiste salvadorien Consuelo Suncin de Sandoval a commencé à Buenos Aires.

Celui avec qui il y avait une connexion quasi instantanée était avec Consuelo Suncin de Sandoval. C’était une écrivaine et artiste salvadorienne, veuve pour la deuxième fois à seulement 25 ans et qui avait récemment déménagé à Buenos Aires. Ils avaient tous deux un ami commun, Benjamin Crémieux, qui les présentait.

Après une rencontre, Saint-Exupéry l’invite à voler. Alors qu’ils étaient dans les airs, il lui a demandé un baiser, mais elle n’a pas accepté, après quoi le pilote a menacé de faire s’écraser l’avion. Consuelo a fini par accepter. Ils se sont tous deux mariés en France et ont eu une relation aussi mouvementée qu’à ses débuts, au milieu de son travail intense et de celui de ses nombreux amants. Cependant, ils ont maintenu ce lien au fil des années. C’est elle qui a inspiré la Rose de Le petit Prince.

Survoler la Patagonie

Saint-Exupéry devait rester à Buenos Aires, mais il n’aimait pas les grandes métropoles. Au contraire, il était attiré par « les petites villes étranges, avec des tôles ondulées et des gens qui, à force d’avoir froid et de se rassembler autour du feu, sont devenus si gentils », comme il le dit dans une lettre envoyée à un ami.

Saint-Exupéry explore la Patagonie dans le but d’établir des liaisons aériennes entre les différentes villes du pays.

Dans le cadre de son travail, il devait partir de temps en temps pour superviser l’expansion de la compagnie aérienne Aeroposta. A cette époque, c’était un métier risqué et pionnier. Ses deux collègues, Mermoz et Guillaumet, étaient tombés dans la cordillère des Andes et avaient échappé de justesse. En revanche, des compatriotes comme Elisée Negrin et René Prunetta meurent dans un accident en 1930.

L’avion avait récemment cessé d’être utilisé uniquement comme instrument de mort, pendant la Première Guerre mondiale, et commençait progressivement à être utilisé comme moyen de transport et de communication. Les trajectoires de l’air étaient encore incertaines.

“J’écris actuellement un livre sur le vol de nuit, mais dans son sens intime, c’est un livre sur la nuit”, a commenté Saint-Exupéry dans une lettre à sa mère. Il a raconté dans ces pages ses expériences sur ce qu’impliquait la tâche que les compagnies aériennes accomplissaient à cette époque ; voler au milieu de l’obscurité totale pour pouvoir rivaliser avec les autres moyens de transport.

Antoine de Saint-Exupéry à Río Gallegos avec des habitants du quartier. Archives Oscar Rimondi.

“Tout ce que l’Argentine m’a donné…”

Le créateur de Le petit Prince Il a fait une tournée en Argentine comme peu d’autres. Bahía Blanca, Viedma, Trelew, Puerto San Julián, Terre de Feu, Comodoro Rivadavia, Puerto Deseado, Río Gallegos et les Andes sont quelques-uns des endroits où il a survolé et atterri dans un effort pionnier pour unifier le pays sur le plan des communications.

Saint-Exupéry rentre en France le 1er février 1931, après plus d’un an en Argentine. Une période apparemment brève, mais au cours de laquelle il a vécu d’innombrables expériences qui l’ont marqué à jamais : des voyages, de nouveaux amis, une femme, un livre.

Vol de nuit Il est publié juste avant son départ, œuvre pour laquelle il reçoit le prix Femina et qui sera ensuite adaptée au grand écran par Clarence Brown en 1933. Il résume son expérience en terres argentines. Mais les paroles dédiées au pays dépassaient le roman.

Le pilote et écrivain a passé plus d’un an dans le pays, une expérience qui le marquera à jamais. Avec l’aimable autorisation de l’Agence Efe.

Dans une lettre envoyée au pilote Rufino Luro Cambaceres des années plus tard, il disait : « Mon départ de votre pays et de l’Aeroposta Argentina a été très dur pour moi et m’a attristé bien plus que vous ne pouvez l’imaginer. Il n’y a aucune période de ma vie que je préfère à celle que j’ai vécue parmi vous (…) Je suis heureux de pouvoir enfin vous écrire et vous remercier pour tout ce que l’Argentine m’a donné.

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