Quelle est la stratégie de Macron derrière l’appel à des élections législatives anticipées en France ?

Quelle est la stratégie de Macron derrière l’appel à des élections législatives anticipées en France ?
Quelle est la stratégie de Macron derrière l’appel à des élections législatives anticipées en France ?
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Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives anticipées en France après le dur revers des élections européennes du 9 juin (REUTERS/Yara Nardi)

Les élections européennes de dimanche dernier laissent deux certitudes : l’avancée de la droite au niveau régional et des impacts forts en France et en Allemagne. Dans le cas de la France, le revers électoral a été si profond que le président Emmanuel Macron a pris la décision à la dernière minute de dissoudre l’Assemblée nationale et convoquer des élections législatives anticipées.

Une manœuvre qui représente un dernier effort du chef de l’Etat pour contenir l’avancée de l’extrême droite, main dans la main avec Marine Le Pen.

L’annonce de Macron depuis l’Elysée intervient après que le Rassemblement national (RN), le parti de Le Pen, a remporté les élections avec un avantage de près de 17 points sur le parti au pouvoir, la Renaissance. Jordan Bardella, candidat RN, a remporté une victoire dans toutes les régions de France, sauf Paris. Cette victoire démontre une portée électorale inhabituelle.

Une heure seulement après la clôture du scrutin, le président français a annoncé dans une émission nationale la dissolution du Parlement. Le premier ministre Gabriel Attal, avec d’autres proches conseillers, a tenté de le dissuader de prendre une telle mesure. Mais Macron n’a pas cédé et a mis en œuvre son projet, considéré par plusieurs analystes comme un « jeu de hasard »selon un article publié par le magazine Police étrangère. D’autres, quant à eux, accusent le président et leader du Renacimiento de “allumer des incendies puis les éteindre.”

La dissolution du Parlement a été constatée cinq fois en France depuis la fondation de la Ve République en 1958. Le cas le plus marquant est celui de Charles de Gaulle en 1968, qui a été contraint de convoquer des élections en raison de la paralysie de son gouvernement due aux grèves et manifestations étudiantes.

Marine Le Pen, leader du Rassemblement National, et Jordan Bardella, candidat du parti aux élections européennes, lors des célébrations à Paris (REUTERS/Christian Hartmann)

Macron n’avait aucune obligation de dissoudre le Parlement, mais il savait que les résultats des élections européennes le laisseraient dans une position fragile à trois ans de son mandat. Robert Zaretskiauteur de l’article Police étrangère, estime que sa décision de convoquer des élections anticipées semble être motivée par deux facteurs principaux. Tout d’abord, par épuisement face à la paralysie parlementaire. Après les élections législatives de 2022, Renacimiento n’a pas obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale. C’est pour cette raison que les gouvernements successifs, d’abord Elisabeth Borne et après Attalils ont eu des difficultés à faire adopter des lois telles que les retraites et l’immigration.

Dans son article, il cite également le politologue Bruno Cautresqui soutient que la décision de dissoudre une assemblée parlementaire « est tout sauf un acte anodin en démocratie ».

L’autre facteur mentionné par Zaretsky est l’intention de Macron de « forcer les électeurs à affronter la possibilité réelle d’un gouvernement d’extrême droite ». Autrement dit, donner aux électeurs la responsabilité de décider de l’avenir parlementaire jusqu’à la fin de leur mandat.

“La France a besoin d’une majorité claire pour avancer dans la sérénité et l’harmonie”, a déclaré le président français à propos de sa décision d’avancer les élections législatives.

Georges Danton, qui a joué un rôle décisif pendant la Révolution française, a déclaré : « De l’audace, encore de l’audace, de l’audace pour toujours, et la nation sera sauvée. » Zaretsky affirme que Macron est un leader qui « est fier » de prendre des mesures audacieuses.

Sur sa décision de convoquer des élections, que la plupart des observateurs considèrent comme un « pari risqué »Macron lui-même a expliqué qu’il s’agit d’un « mouvement de clarification » politique pour « éviter de donner les clés du pouvoir à l’extrême droite » en 2027, faisant allusion à la date théorique des prochaines élections présidentielles.

Selon Zaretsky, l’intention du chef de l’Etat de surprendre les autres partis politiques avec son annonce a fonctionné. Mais, ironiquement, ceux qui n’ont pas été surpris sont ceux du Groupe National. En effet, devant le réseau national de Macron, et après avoir connu les résultats, Bardella avait exhorté le président à convoquer des élections anticipées.

L’annonce a rapidement déclenché des mouvements au sein de la gauche française. Les partis ont montré des signes d’unification après cette annonce, cherchant à présenter un “Front populaire” contre l’extrême droite. Jean-Luc Mélenchonfigure principale de La France Insoumise (LFI), a réussi à réunir socialistes, communistes et écologistes dans une coalition qui pourrait consolider un front commun pour les prochaines élections.

En revanche, et malgré des résultats électoraux favorables, les divisions se creusent à droite. Éric Ciotti, leader des Républicains (LR), a proposé d’accepter une alliance avec le Rassemblement national de Le Pen, ce qui a suscité une tempête interne au sein de son parti. Cette proposition contredit la position traditionnelle de LR contre la politique du RN, et les principaux membres du parti ont voté pour destituer Ciotti de sa direction.

La gauche française cherche à former un « Front populaire » contre l’extrême droite (REUTERS/Stephane Mahé)

Face à ce scénario politique, les dirigeants des partis de Le Pen et de Macron ont déjà commencé à agir demander leur soutien aux électeurs LR mécontents avant les élections législatives.

Macron avertit depuis 2017 que Le Pen et son parti incarnent le chaos pour la France, et il se présente comme le seul obstacle à l’extrémisme. Cependant, depuis ce récit a eu l’effet inversepermettant à Le Pen de repositionner le RN dans l’échiquier politique français.

La stratégie de « diabolisation » de Le Pen, en revanche, s’est avérée efficace, purgeant du parti les personnalités les plus radicales et changeant son nom, laissant également de côté son père -Jean-Marie Le Pen-, qui avait minimisé à plusieurs reprises l’Holocauste.

Pour Zaretsky, la stratégie de Macron vise à être le remède à l’avancée de l’extrême droite, mais elle court le risque de devenir le mal.

Dans sa volonté d’attirer les électeurs conservateurs, le chef de l’Etat est allé jusqu’à nager dans les eaux de la lepénisme. L’un des cas les plus marquants, qui a suscité de vives critiques de la part de l’électorat au pouvoir, a été l’approbation d’un projet de loi sur l’immigration qui refuse certains avantages sociaux aux non-ressortissants, ainsi que la citoyenneté automatique à leurs enfants nés sur le sol français. Les deux clauses promulguaient tacitement une des vieilles revendications de Le Pen : la préférence nationale.

Si le scénario de 1988 se répète, quand François Mitterrand cohabité avec un Premier ministre d’opposition, cette tactique pourrait profiter à Macron à long terme, selon Zaretsky. Cependant, la baisse de popularité du président français, mise en évidence par les sondages montrant une forte opposition à son leadership, amène à se demander si l’exercice du pouvoir par le RN pourrait discréditer ce dernier ou consolider son influence.

Macron a clairement fait comprendre aux électeurs que le vote obligerait les Français à « assumer leurs responsabilités ». Le député du Renacimiento s’est également exprimé dans ce sens. Cécile Rilhac: “Etes-vous vraiment sûr de vouloir voir notre pays gouverné par le Rassemblement national ?”

« J’ai confiance dans la capacité des Français à faire le bon choix pour eux-mêmes et pour les générations futures. “Ma seule ambition est d’être utile à notre pays que j’aime tant”, a écrit le président français sur ses réseaux sociaux au lendemain de l’annonce.

Macron cherche des alternatives pour contenir l’avancée de l’extrême droite (AP Photo/Ebrahim Noroozi)

Historiquement, les élections européennes en France ont été utilisées par l’électorat pour exprimer son mécontentement général à l’égard du gouvernement en place. Pour le politologue Nonna Mayerla fonction de ces élections, notamment en France, est proposer un « vote de sanction » pour alerter les politiciens.

Un autre facteur à prendre en compte pour les élections législatives qui auront lieu le 30 juin (premier tour) et le 7 juillet (deuxième tour), est que ces élections régionales attirent moins de citoyens aux urnes que les élections nationales. Le week-end dernier, près de la moitié de la population française n’est pas venue voter pour le renouvellement du Parlement européen, il n’existe donc pas de base statistique ou comportementale large qui permettrait de proposer une prévision précise pour les élections législatives. Une information qui pourrait donner un peu d’espoir au Gouvernement. Cependant, Le plus décourageant est le grand avantage qu’a pris le Groupe National; Un avantage qui pourrait encore s’étendre si Le Pen obtenait le soutien de la majorité des électeurs de centre-droit.

Les élections coïncideront avec le début des Jeux Olympiques. Les résultats détermineront si Macron, ambassadeur international des valeurs républicaines françaises, finira par partager la scène mondiale avec un Premier ministre du Rassemblement national. Ce fait pourrait redéfinir le paysage politique non seulement de la France, mais aussi de l’Europe.

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